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lundi 4 janvier 2021

MUSEE PICASSO ANTIBES

 

Tout commence à se jouer dans le rituel d’écriture journalière. Ici, se concentre une recherche de ligne de fond, une trace de faille tectonique entre plusieurs espaces : l’intime, le privé et le public. La sincérité est réelle, la vérité reste subjective et sans doute changeante. On ne pas tout dire et écrire, contrairement à ce que l’on peut imaginer en lisant les autres. C’est une question à la fois morale et technique. Le respect de la vie des autres et l’impossibilité de maîtriser totalement toutes les potentialités d’une langue maternelle sont les balises les plus voyantes. Le passage obligé sera la relecture et la censure. Je n’ai pas envie d’émietter le sens, bien au contraire, je cherche une condensation de mes pensées vives au contact de textes qui me percutent et me font bouger dans la langue écrite. Je parle tout haut ce que j’écris pour voir si ça tient facilement dans la voix, dans le souffle. J’essaie de réduire la longueur de mes phrases. Cela me coûte car j’aime cette glissade dans ce qui s’installe sur ma page, cette contagion sonore des mots qui dérapent vite en langage poétique. J’aime les mots qui ne restent pas à leur place, qui se rebellent, qui se déguisent pour déjouer la monotonie et la morosité des propos. Je me sens comme un jeune chien femelle encore un peu crédule, qui attend qu’on lui rallonge sa laisse pour bondir dans les flaques, le dehors est si tentant, mais il faut monter la garde devant la maison des mots , qui est aussi par expérience la maison des morts.  Quelque chose qui ressemble à un passage du Styx un peu trop récurrent. Mais je dois aimer cela finalement, cette proximité avec les revers de la vie, leurs lisières de fourberies et d’effondrements. J’aime rire toutefois, et l’enfance autour y pourvoit. Comme elle est intermittente ici, j’ai le temps d’arranger un peu les sépultures de mes émotions majeures. Écrire est une façon de poser des fleurs sur le sentiment d’exister, ce n’est pas une occupation anodine. Aujourd’hui, j’ai envie de relire Bernard Noël, qui s’éloigne de plus en plus de nous, mais en douceur, car il est bien entouré… mais ne peut plus lire… trop fatigué… Je le lis dans son Lieu des Signes, pages 56 et 57, Editions Unes, 1988 :

 

                            NOTE  II

Pouvoir passer

pouvoir dire à demain ou plus tard,

pouvoir dire hier ou autrefois,

c’était l’ombre des organes.

Maintenant, toutes les  faces du volume sont  visibles

à la fois.

Maintenant,

me voici en un monde où les paupières

ne servent qu’à dormir

 

|||

 

                   NOTE III

Milieu du milieu du milieu

à perte d’œil,

mais l’œil ne perd jamais :

un autre œil le relaie,

le regarde,

l’oblige à s’auto-regarder

et multiplie son pouvoir.

Œil dans l’œil

oeil corps d’yeux,

œil os du temps.

 

Bernard Noël est un auteur que je lis fidèlement, il est aussi important que Charles Juliet pour des raisons différentes et complémentaires. Leur conception de l’écriture diffère et j’aurais voulu qu’ils puissent parvenir à nous restituer quelque chose de leur rencontre. Cela fait partie des choses incroyablement difficiles à évoquer.

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